La scène de la grande salle du centre culturel artisttik africa aurait pu s’appeler  Ring, le soir du samedi 6 décembre 2014, première journée du fitheb. Mohamed Ali ou Etienne Minoungou y faisait de la boxe mais  plutôt de la boxe dans la tête. C’est le spectacle M’appel Mohamed Ali  sur fond de réflexion et conscience de l’africain ou du noir américain quant à la résistance et l’engagement qui doivent être siens. La créativité dans la mise en scène de Jean Hamado Tiemtoré met en valeur le texte de Dieudonné Niangouna, brillamment rendu par le comédien Etienne Minoungou.

« Le comédien a fait preuve d’une bonne occupation de l’espace scénique, et c’est un beau spectacle », Yann un spectateur allemand a ainsi lâché ses impressions à chaud d’après spectacle. « Beau spectacle ! » Le tonnerre d’applaudissement dans le public en dit long. Mais véritable énigme aura constitué  le complexe détail de savoir si le comédien Etienne Minoungou incarnait sur scène uniquement  Mohamed Ali  ou aussi lui-même Etienne.

La légende de l’international  boxeur Mohamed Ali est connue. Et, on pouvait  s’attendre à des séances d’entrainement, à défaut de combats, pour ce spectacle dénommé “M’appel Mohamed Ali’’. Mais c’est plutôt le côté réflexif et préoccupé du boxeur noir par le statut que le monde lui confère. Le boxeur noir comme mis au bagne, pour avoir refusé d’aller combattre aux côtés de l’armée américaine, est obligé de réfléchir à haute voix pour clamer sa résistance. Il se rappelle ses derniers grands combats comme, par exemple, celui contre George Foreman à Kinshasa, pour, sans doute, se convaincre, de ses aptitudes, sa force, son statut de champion et qui peut être le statut du noir en général.  Il est évoqué Malcom X, Martin Luther King et autres pour chacun le rôle qui a été le sien dans les acquis civique et juridique du noir dans la société d’aujourd’hui. Accompagné par la régie dans un bruitage et sonorité en tapis, tantôt il réfléchit sur les idées reçues par rapport aux noirs « Avenir noir, regard noir, humour noir, le diable serait même noir…mais le blanc ignore sans doute qu’un bon café fort est un café noir », tantôt il se caresse l’orgueil « je suis le champion du monde, je suis le grand, le plus beau », Tel en monologue.

  Un spectacle subtil

Un spectacle assez mouvementé mais par un seul acteur sur scène (on aurait dit deux). Le metteur en scène cache mal son génie lorsque l’acteur prétexte du « trouble de personnalité » que le médecin lui aurait diagnostiqué. Assis. Debout. Descendu de la scène vers le public, l’acteur prend en aparté le spectateur, sortant momentanément de la peau de Mohamed Ali et lui parle de sa vie d’artiste. «  Oh ! la vie d’artiste…je suis un comédien et je cherche du travail. J’accepte tout ce qu’on me demande de faire…Moi Etienne Minoungou… » Et, on assiste après, à un retour en rôle. « Je dois quand même jouer mon rôle de Mohamed Ali. C’est pour ça que je suis là ce soir. Alors où est-ce que j’en étais ? Le spectateur aurait raison de se demander ce qui se passe au juste. Mais une similitude de ces deux personnes (l’artiste et le boxeur) qui se côtoient en un acteur (Mohamed Ali)  se laisse quand-même entrevoir. Les boxeurs seraient-ils des philosophes ? La boxe serait-elle comme le théâtre ? Et la question « Etienne Minoungou ou Mohamed Ali ? » que le spectateur est en droit de se poser n’aura de réponse que : l’Africain a à (re)trouver sa propre personnalité.

Si les thèmes racisme, brimade, conscience africaine peuvent être imputables à cette création, vu leur aspect vieillot et redondant, donc du déjà vu pour une pièce créer seulement en 2013 à l’occasion du festival culturel de Luxembourg,  pouvant de ce fait paraitre rébarbatif, la mise en scène sort le grand jeu avec une modernité absolue au visage. La régie où la lumière et le son s’alternaient et se répondaient donne cet espoir pour le théâtre africain que dissimule M’appel Mohamed Ali, ce théâtre coup de point. « C’est rendre au théâtre sa capacité de dialogue », a confié le comédien, après son spectacle.

Par Eric AZANNEY

Journaliste critique, Ingénieur culturel. Fondateur du Groupe AWALE AFRIKI

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