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Auteur de plus de trente œuvres littéraires, Dany Laferrière est élu à l’Académie française au 2e fauteuil en 2013 et officiellement reçu en 2015. Au sein de cette prestigieuse institution, l’écrivain haïtien vivant au Canada siège dans plusieurs commissions dont celle du dictionnaire. Tout le monde peut être curieux de savoir ce que c’est que de se sentir Académicien, ce qui fonde la suppression ou l’admission d’un mot dans le dictionnaire français, ce que gagne comme revenu un Académicien, etc. Du haut de sa carrure altière, il nous a répondu avec charisme et générosité.

Lorsque vous apprenez votre admission à l’Académie française, qu’avez-vous ressenti en tant qu’Ecrivain d’abord et ensuite en tant qu’Haïtien ?

Vous savez, il y a des gens qui passent des années à tenter d’entrer à l’Académie française. Emile Zola, je crois, a tenté 29 fois. Balzac 3 ou 4. Voltaire 3, Hugo 4 ou 5. Donc ça veut dire qu’il y a des gens, c’est toute leur vie. Moi, c’était la première fois, c’était même à un mois avant. On m’a dit que ce serait une chose intéressante et importante de poser ma candidature à l’Académie française. Naturellement quand vous arrivez à l’Académie française, vous devez faire la tournée de tous les Académiciens, vous devez aller les rencontrer chez eux pour leur expliquer pourquoi vous voulez être Académicien. C’est important qu’ils puissent donner leur accord en vous ayant rencontré puisque c’est une compagnie. C’est-dire-à dire les gens sont là jusqu’à la mort. Votre fauteuil il est placé à un endroit précis et il ne bougera pas non plus. Si vous n’aimez pas votre voisin, il y a un problème : ça va durer longtemps. Donc c’est important qu’ils vous rencontrent. C’est une salle où il y a 40 personnes, ça peut vite tourner très mal mais on n’a jamais d’insurrection dans la salle plénière de l’Académie française.

Alors, je n’ai pas pu aller voir mes confrères parce que je voulais être en Haïti pour un festival littéraire. On m’avait donné un petit téléphone pour qu’on puisse me rejoindre d’un peu partout parce que j’étais le Président du festival. Mais moi je ne sais pas me servir d’un téléphone, je ne suis pas sur Tweeter, je ne suis sur rien, je fais à peine des mails ; je n’écris même plus à la machine, j’écris à la main –tout le monde avance mais moi je recule. (Sourire). Alors quand en bidouillant, j’ai fini par ouvrir le téléphone et j’ai vu à mon grand étonnement Amin Maalouf –un écrivain libanais qui est à l’Académie- qui m’envoie un mot : Félicitations ! Maintenant, il fallait analyser le mot. Il a dit félicitations et rien de plus d’autre. Finalement, j’ai compris que j’étais entré à l’Académie française. Depuis cette minute, et pendant 48 heures, le téléphone n’a pas arrêté de sonner pour des interviews dans le monde entier. Au point que la Secrétaire permanente de l’Académie n’a pas pu me joindre pour me déclarer officiellement que je suis élu à l’Académie française comme c’est de coutume. Et j’ai donné des entrevus pendant que je faisais des discours.

La Première Ministre du Québec m’a téléphoné pour me féliciter alors que j’étais à la résidence de l’Ambassadeur de France à Port-Au-Prince faisant un discours aux gens et je m’arrêtais de temps en temps pour dire : Madame la Ministre, je suis en train de faire un discours, je vous remercie. Donc pour pouvoir échanger avec elle, il a fallu que je l’intègre au discours.

Mais la première personne que j’ai été voir après cette annonce, c’était ma mère. Ma mère, elle n’écoute pas la radio profane, elle écoute la radio religieuse uniquement. Et ma mère a entendu mon nom à la radio trois fois. Or pour que le nom d’un être vivant arrive au milieu de prières sur cette radio-là, il faut être mort au minimum. Ou dans le meilleur des cas c’est que vous allez être arrêté. Alors ma mère elle n’osait pas dire à ma sœur qu’elle a entendu le nom de Dany trois fois et quand je suis arrivé ma sœur m’a dit : « je ne l’ai pas dit à ta mère parce que je pense que c’est à toi de lui dire ». Donc les deux se mentaient. J’ai fait asseoir ma mère qui s’attendait à une nouvelle terrible et je lui ai dit « maman, aujourd’hui, il y a à peine une demie heure, j’ai été élu à l’Académie française ». Ma mère me regarde et dit : « qu’est-ce que ça veut dire ? ». Le « qu’est-ce que ça veut dire » c’est pour réaliser que ce n’est pas courant. La dernière fois qu’un noir l’a été, c’était Senghor. Donc « qu’est-ce que ça veut dire ?», je réponds : « j’occupe le fauteuil numéro 2, celui de Montesquieu ».

©Dr Wikipédia

Dans ma vanité, je n’ai pas pensé au cœur de ma mère. Ça peut arrêter le cœur d’autant plus que ma mère adorait les Académiciens et me disait toujours : « ils écrivent très bien et très simplement ». Et lorsqu’elle me voyait écrire elle me disait : « tu devrais en faire autant » c’est-à-dire, essayer d’écrire simple. Parce que nous les haïtiens on ne blague pas avec la langue hein, on ne l’utilise pas comme ça. (Rires). Il faut choisir tous les mots impossibles, les phrases les plus longues, subjonctif imparfait, futur antérieur au minimum. Sujet verbe complément, ça c’est être lâche.

Donc ma mère me regarde, se tait un moment puis dit finalement : « grosse affaire ! ». Pour dire que ça dépasse l’entendement, ça dépasse la parole. Son fils qui n’a pas été à l’université est reçu à l’Académie

Donc ma mère me regarde, se tait un moment puis dit finalement : « grosse affaire ! ». Pour dire que ça dépasse l’entendement, ça dépasse la parole. Son fils qui n’a pas été à l’université est reçu à l’Académie (j’ai passé un mois à l’université à Montréal parce que j’ai été puis l’enseignement me semblait étrange. Je n’ai pas compris, le professeur enseignait quelque chose qu’il ne connaissait pas. Alors j’ai compris que c’était une plaisanterie et j’ai laissé tomber. J’ai donc pris les livres pour les lire moi-même. Je crois que quelqu’un arrivé à 23 ans, il peut apprendre ce qu’il veut de lui-même, s’il est patient. On apprend très sûrement par soi-même. Aussi, faut-il à un moment donné faire les choses par soi-même).

Lorsque la terre a tremblé en Haïti en janvier 2010, vous étiez sur place. Que ressent-on lorsqu’on côtoie un risque aussi grand ? Autrement dit, que pensez-vous de la mort ?

Le tremblement de terre, vous savez, c’est assez nouveau. Sentir la terre trembler sous ses jambes. La première chose qu’on ressent, ce n’est pas une panique. On est étonné de ne pas paniquer et à un moment donné tout semble comme dans un rêve. On voit de la poussière. Ce sont des choses qui prennent seulement quelques secondes, des émotions. Et on a l’impression que ça prend des heures et qu’on est au ralenti. Parce que le problème du tremblement de terre c’est que si vous ne savez pas ce que c’est après 8 secondes, vous êtes en danger. C’est 35 secondes et 300 mille morts. Donc vous devez savoir ce que c’est. Et c’est ça qui est compliqué parce qu’on n’est pas habitué au tremblement de terre. La dernière fois c’était il y a 200 ans.  Donc on n’a pas été élevé avec cette idée dans la tête. Moi je me suis dit que ça doit être un train souterrain qui passe or je sais qu’il n’y a pas de métro à Port-Au-Prince, alors c’est quoi ? Quand je me suis mis par terre au milieu de la cour, je me suis demandé : est-ce que la terre va s’ouvrir aussi –c’est la culture du cinéma Hollywood que j’ai- Donc deuxième situation, la terre va s’ouvrir. Troisième situation, c’est un tsunami, l’eau va venir. Et puis après les premières secousses –on est dans les 10 à 12 secondes- on se lève. Tout le monde ne se relève pas. Plus de 300 mille ne se relèvent pas. Et on se dit : bon, je ne suis pas mort. Et au moment où on se dit ça, il y a une autre secousse aussi forte. Là, on se dit : ça devient sérieux, ça veut dire que cela va continuer jusqu’à ce que je meure. Mais étrangement, en ce moment-là, je n’ai pas eu peur.

Cette image rassurante étrange que la mort n’existe que parce qu’on l’a rendue un acte intime, c’est ça ce que le tremblement de terre a apporté pour moi, 

J’ai essayé de penser pendant longtemps à pourquoi je n’ai pas eu peur. Eh bien j’ai compris que l’expérience de la mort est une expérience souvent individuelle. On meurt et les gens qui sont autour de vous qui essaient de vous accompagner ne sont pas morts. Donc on meurt seul. Il y a une panique. Il y a aussi l’atmosphère : on voit arriver le médecin, le prêtre, on demande aux enfants de faire silence… Tout cela devient extrêmement pesant. On est dans une relation intime avec la mort. Alors que quand c’est une ville qui meurt, il faut être très vaniteux pour ne pas mourir. Vous n’y pensez pas, vous devenez partie du cosmos. Vous avez l’impression que ce qui se passe là c’est l’ordre des choses. Alors que la mort individuelle c’est un désordre. Ça vous remet à cette phrase d’un écrivain : « L’univers et moi sommes nés en 1872 ». C’est exactement cette vanité-là. C’est-à-dire, l’univers existe parce que je le vois. Vous, vous existez parce que je vous vois et moi j’existe parce que vous me voyez. Chaque personne a un point de vue central et universel sur l’univers. Mais est-ce vrai ? C’est notre culture qui fait cela.

©Dr Wikipédia

En réalité, si notre culture est perturbée, c’est-à-dire il y a tremblement de terre et tout le monde est en danger quel qu’il soit de façon égalitaire, brusquement on cache sous le boisseau cette vanité-là. On n’y pense pas. On voit un grand événement autour de soi. Les gens qui sont chrétiens ils disent : « c’est la fin du monde ». Ils ne disent pas : « c’est ma mort », ils disent « c’est la fin du monde ». Donc cette globalité vous fait accepter ce sort là et en ce moment vous n’avez pas peur. J’espère, au moment de mourir un jour, revoir cette image-là qui rassure, l’image que je ne suis pas seul, que je ne mourrai pas seul. C’est ça ce que le tremblement de terre a apporté pour moi, cette image rassurante étrange que la mort n’existe que parce qu’on l’a rendue un acte intime. Si ça devient un acte collectif, eh bien la peur se partagera avec le nombre de gens qui sont présents au moment de cet acte-là. Mais quand c’est moi seul qui meurt avec ma famille autour, toute la peur du monde tombe sur moi. Je meurs avec le monde.

Sur quelles bases les membres de l’Académie modifient-ils les règles qui régissent la langue française ou retirent certains mots du dictionnaire ?

Les mots que nous gardons, c’est le peuple qui décide. Le peuple ça veut dire le temps. Chaque jour vous écoutez les gens, vous allez changer les choses. Mais comme une édition du dictionnaire de l’Académie ça prend 30 à 40 ans minimum, donc le peuple a le temps de changer d’idée et, nous, on ne peut pas l’écrire, on attend. Et s’il a la même idée 40 ans plus tard, ça veut dire que vraiment il a décidé de dire ce mot. Donc c’est ce qu’on fait. Et il n’y a pas de problème puisque l’Académie a toujours choisi des membres importants et différents -ce n’est pas que des écrivains, c’est une compagnie de tout ce qui peut enrichir le dictionnaire. Il y des gens de tous les métiers : Évêque, Président de la République, Prix Nobel de biologie… Ce qui fait qu’on a un dictionnaire extrêmement varié et précis.

La langue appartient à tout le monde, elle appartient à ceux qui sont morts aussi

Mais quant à la langue elle-même, à comment on emploie les mots, le sens des mots, il y a beaucoup d’écrivains –quand Voltaire dit qu’il serait mieux de l’employer de telle manière en l’employant chaque jour, quand Chateaubriand le dit, quand Racine le dit. Donc, finalement, il y a quand-même une musicalité de la langue française, il y a un rythme, des corrections. A partir de ces corrections-là, on peut dire : « ça ne se dit pas ! », « ce n’est pas français », « c’est de la langue vulgaire » et vulgaire ne veut pas dire mauvaise, ça veut dire « ordinaire et pas soutenue ». L’ensemble représente le génie de la langue. Alors quand les gens forcent à dire des choses, on leur dit : « il n’y a pas de problème mais est-ce que déjà vous êtes prêts à le dire 40 ans plus tard ? ». Parce que la langue appartient à tout le monde, elle appartient à ceux qui sont morts aussi. Donc on va regarder pour voir si le mouvement de la langue à travers les siècles est en accord avec ce que vous voulez.

C’est cela qu’on fait. On est là chaque jeudi depuis 1635. Chaque jeudi, moi je passe de 9heures 30 à 4 heures et demie de l’après-midi à travailler sur le dictionnaire. C’est comme ça, Ce n’est pas qu’on soit mieux. Les menuisiers sont meilleurs dans la construction des meubles que nous et nous dans la construction de la langue, de la grammaire. C’est notre travail et nous sommes quarante. Souvent les gens quand ils arrivent, ils arrivent avec des débats, avec des contestations, ils arrivent avec leur sensibilité.

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Parlant de sensibilité, elle a été cléricale un moment. Il y a eu même 21 prêtres à l’Académie, d’un seul coup ! Ensuite, il y a eu des ducs en nombre ! Ils viennent avec leur vocabulaire. Ils viennent avec leur vision du monde et ça peut être aussi révolutionnaire. Les femmes peuvent dire par exemple : « nous, on veut que tout soit au féminin ». On devra leur répondre : « ce que vous dites est tout à fait juste. Mais la langue n’est pas toujours juste. Et la langue est aussi une musique, on va voir si à travers tous les écrivains, on peut accepter cette musique-là. Vous avez raison mais vous n’êtes pas dans le mouvement profond de la langue ».

On essaye de retarder le plus longtemps possible la lecture d’un grand écrivain. Si on avait beaucoup lu le dictionnaire de l’académie française, Montaigne serait encore lisible pour n’importe qui, car nous on garde les mots

En dernier point, ce qu’on fait à l’Académie c’est qu’on fait aussi un dictionnaire d’écrivains. C’est-à-dire, s’il y a des mots qui sont vieillis, qu’on n’entend plus, on dit : il faut l’enlever. Et il y a un Académicien qui dit : « ah non ! Hugo l’a employé », et puis c’est fini, on ne l’enlève plus. Pourquoi ? Parce qu’on essaye de retarder le plus longtemps possible la lecture d’un grand écrivain. Si on avait beaucoup lu le dictionnaire de l’académie française, Montaigne serait encore lisible pour n’importe qui, car nous on garde les mots. Parce que si on ne garde pas les mots et on prend les mots nouveaux et puis on accumule, la langue n’aura plus aucun sens. Eh bien, très rapidement, on trouvera difficile de lire Albert Camus alors qu’aujourd’hui cela parait si simple de le lire. C’est parce qu’on a gardé les mots dans le dictionnaire. Les gens que nous trouvons facile à lire, ce n’est pas par hasard. Les autres que nous n’arrivons plus à lire avec aisance, c’est l’effet du temps. Villon, on a gardé tous ses mots mais aujourd’hui on arrive plus à le lire avec aisance. Eh bien dans leur temps, ils étaient lus comme on lit le journal ! Mais on oublie cela. C’est à force du temps, d’érodassions… On perd un sens, on perd un mot, on perd une forme aussi. Il y avait des époques où les mots étaient collés dans la typographie. Il y avait des lettres qui se faisaient très différemment : le S et le F, etc. C’est comme ça que brusquement à un moment donné on arrive plus à lire, il faut traduire en français moderne. Nous, à l’Académie française, on essaie de retarder cela en gardant le plus longtemps possible les mots.

On a quand même envie de savoir si vous arrivez toujours à lire pour vous-même

Je suis membre de beaucoup de commissions à l’Académie. A part la commission de cinéma et de poésie, je suis membre de toutes les commissions littéraires. Ça me rappelle Barack Obama qui raconte que quand il est arrivé à Harvard, on l’a mis dans toutes les commissions et on l’a bombardé Rédacteur en chef du journal de Harvard jusqu’à ce qu’il comprenne que c’est leur manière de casser les noirs. Vous avez demandé « est-ce que j’ai le temps de lire » lui on lui a demandé s’il a le temps d’étudier… (rire) A un moment donné, vous êtes bombardé avec tellement de titres que vous n’avez plus le temps d’étudier.

Moins vous avez le temps, plus vous faîtes de choses. Parce que plus vous devez vous organiser

Mais, ici comme ce sont des commissions de livres, je lis. Mais je lis aussi des livres qui ne sont sur aucune liste de Prix, qui sont des livres que j’aime simplement. Vous savez, moins vous avez le temps, plus vous faîtes de choses. Parce que plus vous devez vous organiser. Avoir du temps ne veut rien dire. Avoir trop de temps, on ne l’emploie plus. C’est aussi simple. Mais il faut quand-même prendre des vacances d’esprit. Moi mon problème ce n’est pas du tout de lire ou de ne pas lire. Mon problème c’est quand est-ce que je vais avoir du temps pour ne pas lire et de reprendre contact avec la nature.

Être Académicien, honneur ou sacerdoce ?

C’est un sacerdoce et un honneur parce que c’est le prolongement de ce que les gens font. C’est une tradition surtout. Ce n’est pas n’importe quelle culture qui peut avoir cela, puisque les gens viennent chaque jeudi. Chateaubriand était là, Voltaire était là, Racine était là, Corneille était là, Boileau était là, Lafontaine était là, Grevisse était là, Pasteur était là. Donc ça veut dire que c’est très important pour la France d’avoir une institution qui réunit autant de gens et que ça puisse continuer depuis 450 ans. Tout le monde veut faire une équipe de foot extraordinaire où il y a les meilleurs joueurs qui soient.

L’Académicien est plus haut placé que l’ambassadeur de France. Oui il y a des honneurs. C’est un honneur qu’on fait rejaillir sur les autres. Nous donnons beaucoup de Prix. Quand vous êtes académicien par exemple vous ne pouvez plus participer à des prix littéraires, vous êtes au-dessus de ça.

Une question peut-être indiscrète. Être membre de l’Académie française a-t-il un impact positif conséquent sur son compte en banque ?

Ce n’est pas indiscret du tout, c’est une question moderne. C’est d’ailleurs une question intéressante. L’Académicien comme moi qui est extrêmement régulier, qui vient chaque fois –parce qu’on est payé par séance- risque au plus haut de gagner 5 mille euros par an. Ce n’est pas beaucoup n’est-ce pas ! C’est comme 500 euros par mois. En plus, c’est des jetons de présence. Ce qui veut dire que la moyenne c’est 2400 euros que les académiciens gagnent par an parce que tout le monde n’est pas présent à chaque séance. Moi je suis donc parmi les 4 mille- 5 mille euros. Il y a d’autres aussi qui gagnent cela, je ne suis pas le seul à venir fréquemment.  Ça veut dire qu’il y n’a pas de voiture de fonction, il n’y a pas d’appartement de fonction. Alors que l’idée que les gens donnent sur les Académiciens c’est celle sur des gens qui se font beaucoup d’argent, des riches avec voiture et chauffeur, et cetera. Ce n’est pas vrai.

On n’a pas de passeport diplomatique non plus. Par exemple, il y a seulement quelques jours, j’ai dû prendre une carte de séjour en France. Je n’en avais pas. Je suis un Académicien français mais on pouvait me refuser l’accès à l’aéroport. J’entre facilement parce que le Canada où je vis à un rapport avec la France et on n’a pas besoin de visa mais il y a un certain nombre de jours que vous devez passer que l’agent de l’aéroport a regardé puis il a vu que j’avais dépassé. Donc il m’a dit : « soit vous prenez une carte de séjour, soit vous ne venez plus en France ».

Avec Dany Laferrière ©Awalé Afriki

Ça veut dire qu’il n’y a pas de privilège. Sauf que la plupart des membres n’ont pas besoin de privilège. Valéry Giscard d’Estaing par exemple n’a plus besoin de privilège. Déjà en tant qu’ancien Président, il touche quelques millions d’Euros par an selon les règles du pays. Je veux dire que la plupart, les trois-quarts des Académiciens n’ont pas besoin de cet argent. Mais c’est bien de poser la question parce que ça casse un mythe, le mythe de l’Académicien riche. Il est riche de par lui-même. Il gagne entre 2 mille et 5 mille euros par an. Il ne vient pas à toutes les séances. J’ai manqué, depuis 4 ans, trois séances. Et je gagne un peu plus, ce qui donne peut-être 5 mille euros parce que je fais partie de la commission du dictionnaire, donc je travaille plus longuement chaque semaine. Je travaille de 9 heures 30 à 4 heures 30, alors que normalement la séance plénière c’est de 3 heures à 4 heures 30, c’est le même horaire depuis la nuit des temps.

Et l’argent du costume, de l’épée, c’est l’Académicien même qui est chargé de le réunir. Le costume ça coûte une fortune. Ça peut aller jusqu’à 50 mille euros. Pour certains, c’est des fils d’or et ça coûte très chère. Il y en qui ont des grands couturiers qui le leur font comme Saint Laurent, comme Lagerfeld et autres. Mais c’est une cotisation publique. Vous demandez à vos amis, vous faites un comité qui s’en occupe. Donc votre question n’est pas du tout indiscrète. Moi je viens d’Amérique du Nord où les questions d’argent doivent se poser de façon saine et claire surtout quand l’argent en question provient d’une source publique.

Journaliste critique, Ingénieur culturel. Fondateur du Groupe AWALE AFRIKI

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