
‘’Compagnons d’infortune’’, c’est l’œuvre par laquelle Lhys Dègla intègre le cercle des écrivains béninois. Un recueil de 21 poèmes faits de mots qui comme «un cœur de cigales, célébrant les derniers reflets du firmament »(P16), portent l’expression d’un bilan sentimental et le souffle d’un espoir optimiste. Lhys Dègla y est allée dans une musicalité « qui console » le lecteur.
« Tends bien l’oreille », cher lecteur, « C’est le clapotis des eaux intarissables, qui somnolent dans le grand fleuve Amazone »(P18). Lorsqu’en elle, les eaux se sont réveillées, Lhys Dègla s’est associée aux mots, ses « compagnons d’infortune » pour dissimuler, dans les vers, peines et regrets ; pour chuchoter ses espoirs et désirs. Les rythmes et cadences orchestrés par les rimes donnent une musicalité, cachant la tristesse et la mélancolie dues, certainement, à des déceptions de l’auteur.
Un bilan sentimental
« C’était folie de t’aimer apparemment. C’était un désespoir, assurément […] Face à la lourde responsabilité d’aimer, de t’aimer, je voudrais oublier. Oublier tout et toi surtout. » (Page 28). L’expression de déception ; de regret ; de chagrin et tristesse, habite onze poèmes sur les vingt-et-un que compte ce recueil. Le chagrin d’aimer l’emporte. Comme dans un « Recueillement » (Charles Baudelaire, in ‘’Les Fleurs du mal’’), Lhys fait le compte de ses blessures amoureuses et semble avoir pris une résolution. Le poème ‘’Donne-moi une seule raison d’aimer encore’’ (Page 32), témoigne de ce qu’a pu souffrir, la poétesse pour la cause de l’amour : « Donne-moi une seule raison d’aimer encore. D’amour, j’ai souffert. D’amour j’ai pleuré. D’aimer, j’ai connu la tristesse. D’aimer, j’ai connu la déception […] ». Le titre du poème qui revient dans ce texte après chaque strophe comme un refrain, traduit la conviction de l’auteur d’avoir suffisamment été victime « d’amour ». Ce que confirment les reprises anaphoriques (D’amour et D’aimer), incrustant dans le tympan du lecteur la lettre ‘’D’’ comme déception. Et la poétesse préfère s’engouffrer dans une solitude où même quand « tatoué au sceau de la passion », elle ne s’en remet qu’au « Fantasme »(P34). Elle promet affronter « ce loup insatiable, qu’est l’amour », comme pour prendre sa revanche, à travers le texte ‘’Lamour n’est pas une fatalité’’ (P27-29) : « Je lui briserai la mâchoire. Avec beaucoup de rage et un désir de liberté, je pourrai crier victoire ! ». La rime que donnent « mâchoire » et « victoire » montre par sa mélodie la détermination de l’auteur. Laquelle détermination sera trahie par la suite des vers : (« je t’aime toi. Ce n’est pas un choix. Ni pour toi, ni pour moi […] Crois-moi je te le dis, l’amour n’est pas une fatalité »). La sollicitation « Crois-moi » jette un doute sur la confiance en soi de l’auteur dans ce combat. La raison en est qu’au fond de cette « âme en détresse » (Page 36), se repose une générosité d’amour nourri d’espoir.
Un espoir optimiste
Lhys Dégla respire l’espoir et le souffle dans les poumons de tous les cœurs désespérés. « Je serai aussi éclatant que la lune, s’il m’est donné le bonheur d’aimer. Mon cœur sera aussi vaste que la mer, de me savoir aimer en retour » (P42). Le caractère hyperbolique des comparaisons de « Je » à « lune » et « cœur » à « mer » montre un optimisme géant animé d’enthousiasme. Mais l’optimisme de la poétesse ne s’arrête pas à la rencontre de l’âme-sœur. Il va aussi et surtout à l’Afrique. L’auteure espère grand pour son continent et le fait savoir par deux poèmes dans ce recueil : »Mon Afrique (P16-17) et « l’Afrique s’éveille » (P18-19). Après s’être indignée de son ignorance par le passé, Lhys découvre au continent africain, des potentialités de bien-être. « […] c’est un nouveau jour qui s’est levé, sur mon Afrique malmenée ». Le rythme que donnent ces deux propositions en juxtaposition, suggère la cadence de l’Afrique sur la voie de la prospérité. « C’est la lueur d’espoir, de ceux qui continuent de croire et d’espérer que demain sera meilleur ». Et nous osons croire et espérer que Lhys Dégla va grandir d’avantage à l’écriture. « Compagnons d’infortune », Editions du Flamboyant, Cotonou, 2012. 54 p.
Eric AZANNEY (Publié en Février 2012)
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