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Voir le monde comme il va, s’accepter en tant qu’êtres humains et ce en toute considération des diversités. C’est ce que propose en toile de fond « Zokwézo », un spectacle de théâtre qui dans sa représentation a donné des frissons le 15 mars à l’Institut Goethe et le 13 mars à l’Institut français d’Abidjan. C’est une collaboration du Bénin (compagnie des Diseurs de vérité) et de la Suisse (compagnie Apsara) avec la mise en scène de Andrea Novicov, sur une d’écriture de Julien Mabiala Missila.

Deux voisins « une blanche » et « un noir », chacun dans sa chambre au téléphone au même moment échangeant visiblement avec un proche. L’une papote et l’autre semble confier sa peine d’amour mais ont eût dit que les deux se répondent. Ainsi s’ouvre le spectacle Zokwezo qui annonce aussitôt le contraste distance/contact avec l’imposante présence des technologies d’information et de communication. Delphine (jouée par Silvia Barreiros de la Suisse) vient se renseigner chez son voisin et Boulass (représenté par Bardol Migan du Bénin). Elle en profite pour lui poser le problème de son ordinateur. Boulass réticent au début finit par se plaire avec cette visite inattendue comme ce qui manquait à sa chambre. Discussion, quiproquo, le jeune homme arrive à détendre l’atmosphère par ses déclamations aux envolées lyriques. Les deux deviennent rapidement comme de vieilles connaissances et Delphine accepte même d’apprendre à danser le « Coupé-décalé ». Ils trouvent désormais des prétextes pour se rendre visite régulièrement, n’en déplaise au gardien de l’immeuble ( joué par Nicolas Houénou de Dravo du Bénin) qui tente de calomnier Boulass. Mais Delphine s’est déjà éprise de son voisin. Elle porte silencieusement dans son cœur, la fleur d’amour que les paroles poétiques de Boulass ont fait pousser et n’attend que le premier pas de son voisin. Hélas! Boulass est gay et n’aime que les hommes.

La question de l’acceptation de son prochain quelle que soit sa race, son orientation sexuelle ou sa religion, est remise ici au goût du jour pour s’interroger sur le regard qu’on a sur son semblable, la prétention qu’on a de pouvoir juger autrui et surtout se rappeler que « tout être humain est une personne » : Zokwézo. Delphine quoique choquée, sur le coup de la nouvelle, de ne pas avoir rencontré l’amour, ne le jugera pas.

Photo: Elisa Murcia Artengo

Le gardien dans la pièce incarne bien les opinions fantaisistes des hommes sur ce type d’orientation sexuelle. Prenant le public en aparté, il fait des commentaires faisant montre de préjugés selon lesquels par exemple, le fait d’aimer aller avec quelqu’un du même sexe que soi vient d’ailleurs que l’Afrique.

Andréa Novicov semble avoir pour projet : sensibiliser sur le fait que les temps changent et qu’il faudra se retrouver, entrer en contact pour ensemble faire avec son temps et pourquoi pas faire face à son temps. Et le numérique avec son cortège (internet, tic) parait être un pont vers la concrétisation de ce dessein. La thématique et le traitement de Zokwézo donnent à suivre un théâtre contemporain dont la mise en scène tutoie la technologie de pointe. Le champ lexical du numérique parcourant le texte ; les tic qui sont au cœur de la régie de ce spectacle et des accessoires de scène (ordinateur, téléphone appel vidéo, écran géant, sonnerie) ne font que confirmer le pouvoir d’unification que concède au tic le metteur en scène. Delphine et Boulass sont voisins depuis 2 mois sans se connaitre au delà de « il est noir, je suis blanche » mais il a fallu un souci d’ordinateur pour que les deux se croisent et deviennent liés.

Par Eric AZANNEY (depuis Abidjan)

Journaliste critique, Ingénieur culturel. Fondateur du Groupe AWALE AFRIKI

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