
Moments de catharsis devant Ways à l’occasion de sa première jouée le 22 novembre 2019 au Centre Paris Anim’ Place des fêtes. Une création de la compagnie En Corps Des Mots qui a le mérite d’en emprunter à plusieurs disciplines artistiques dont théâtre, danse, création audio-visuelle, avec en toile de fond la rencontre avec l’autre.
L’acte de partir. Pourquoi part-on ? Est-on étranger là où on va ? Des voix s’entremêlent pour dire leur vécu, pour raconter leur histoire. « Je pense que mon immigration c’est le projet de mon père et pas mon projet », « un jour, on m’a mis dans un car qui traversait le Maroc… », «je suis venue en France en 2008 pour faire des études de Socio-anthropologie»… La notion de l’étranger est mise en cause dans ce spectacle. Qui est étranger ? Qui ne l’est pas ? « Je suis une ‘’partoutienne’’ », lance l’actrice après s’être donnée plusieurs nationalités. « Je suis de nulle part, je suis de partout. Je ne sais plus d’où je suis ».
Sur scène une seule actrice : la danseuse et comédienne Martina Ricciardi. Elle est habitée par plusieurs personnages dont la vie est tourmentée par des chocs socioculturels, des rejets, des discriminations de toute sorte. Avec un jeu d’acteur qui sollicite assidûment le corps, le public est tenu en haleine. Ce dernier se retrouve devant une sorte de miroir qui renvoie les scènes d’un quotidien compliqué pour les victimes. Mais le sérieux de la thématique et le pathétique qu’elle confère n’ont pas pour autant pris toute la place à l’humour.
Nouvelles technologies et performance scénique offrent des symboles et suggestions. Le jeu de l’aveugle qui cherche son chemin peut symboliser le migrant qui cherche à se construire, à vivre ; le bruitage de pas qui marchent rapidement renseigne sur le rythme que le migrant se donne pour arriver à atteindre ses objectifs ; les images floues de personnes qui marchent, peuvent traduire l’effacement de ces personnes dans la société d’accueil.
Mais qu’ils aient choisi ou pas leur déplacement, les personnes en migration cherchent à se construire et, en même temps, elles contribuent à la construction de la société d’accueil. Les regards de non tolérance portés sur ceux-ci ne tiennent sans doute pas compte de ces aspects-là, encore moins de ceux liés aux efforts que ces Hommes consentissent et qui sont des réalités de l’acte de partir : s’adapter à une culture qui n’est pas la sienne, apprendre une langue autre que celle parlée depuis sa naissance ; mais surtout être prêt moralement à subir des dommages psychologiques. Ways attire l’attention sur ces réalités et prône « le Vivre ensemble ».

La scénographie de cette création est sobre avec du blanc en fond de scène favorisant la projection de l’animation audio-visuelle assurée par Laurène Lepeytre. Ladite projection est l’unique source de lumière de la scène.
La suite et fin du spectacle est assurée par quatre jeunes au parcours de migrants qui entrent en scène. Avec des mouvements de danse contemporaine qui ressemblent au quotidien de celui qui se se cherche, qui se débrouille afin de s’en sortir dans une société qui lui est hostile. Ces jeunes ont suivi un atelier dont la restitution s’intègre de façon circonstancielle au spectacle. Martina Ricciardi explique le procédé de création : « Le spectacle Ways a été créé à partir d’une matière brute : des récits audio de parcours de migration qui ont été travaillés pour construire la dramaturgie et la structure du spectacle. Nous avons étudié la résonance de ces audios sur le corps, puis faire dialoguer le corps avec l’image. S’inspirant de cette démarche, la compagnie propose de mener des atelier en amont de la représentation, à partir d’une matière sonore enregistrée par les participants ».
La compagnie « En corps des mots »
Initiée par Martina Ricciardi et Laurène Lepeytre en 2016, la compagnie EN CORPS DES MOTS crée des spectacles vivants et organise des actions socio-culturelles, dans le but de questionner la population sur des questions sociales et politiques, à travers le corps et les arts comme outils de conscientisation. Elle développe ses projets en connexion avec des acteurs de différentes disciplines (danse, théâtre, vidéo, dessin…). Elle conçoit l’art comme une expérience collective et sociale. En menant des projets participatifs, le collectif propose d’utiliser le corps et l’image comme moyens de réflexion et d’expression.
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