Du 05 au 12 janvier 2019, se tient la 3e édition du Festival International de Porto-Novo (FIP), autour du thème « les systèmes divinatoires en Afrique dans un contexte de mondialisation : enjeux et perspectives ». A quelques heures des manifestations, la première autorité de la ville capitale (du Bénin), le maire Emmanuel Zossou, initiateur dudit festival parle, dans cet entretien, du contenu de l’édition 2019 après avoir rappelé les motivations d’un pareil festival.

Monsieur le Maire, quelles sont les motivations qui ont poussé vers l’initiative du Festival International de Porto-Novo.

La création de ce festival est surtout motivée par une raison fondamentalement économique. Quand nous avons été élu, il fallait faire un plan de rapport municipal. Nous avons essayé de jauger nos moyens et on a constaté, mes conseillers et moi, qu’on n’a pas de ressources, pas d’entreprises pouvant payer les impôts comme à Cotonou. On n’avait pas de source de mines. Ainsi, avons-nous constaté que la seule richesse à Porto-Novo est culturelle. Nos parents ont laissé une mine d’or que sont la culture et le patrimoine. Pour le patrimoine, Porto-Novo fait partie des rares villes au Bénin et en Afrique à avoir un patrimoine afro-brésilien aussi important. Dans d’autres villes en Afrique comme Grand Bassam en Côte d’Ivoire ou Saint Louis au Sénégal qui sont un peu pareilles, il n’y a pas autant de patrimoines brésiliens comme à Porto-Novo.

Il y a une dizaine d’années, Porto-Novo dénombrait près de 700 bâtiments afro-brésiliens. Une dizaine est tombée en ruine parce que mal entretenue ou abandonnée. Toujours sur le plan patrimoine bâtis, Porto-Novo regorge de 110 bâtiments coloniaux, des architectures vernaculaires- ce que nos parents construisaient. C’est donc une ville définitivement à trois sens : trois architectures, trois religions et trois noms (Adjachè, Hogbonnou, Porto-Novo).

Au plan cultuel, c’est une ville où il y a beaucoup de divinités y compris dans ses alentours. Par le passé autour du 16e siècle, il y a eu beaucoup de migrations géographiques et les gens qui quittaient leur région pour Porto venaient ainsi avec ce qu’ils ont de plus précieux- leurs fétiches. Ce qui explique la diversité culturelle observée à Porto- Novo. C’est d’ailleurs ce qui a permis, lors de la première édition du festival de sortir autant de masques et tous n’étaient pas sortis. A l’occasion de Ouidah 92, ce sont des camions qui ont été envoyés à Porto-Novo pour chercher des masques. Cette diversité de divinités est donc ce qui nous a poussé vers l’initiative du festival, une manière de pousser les gens à la découverte de Porto-Novo. Le festival devient donc un support pouvant permettre aux étrangers de venir à Porto-Novo. Ce faisant, il y aura d’attraction et des retombées économiques ainsi qu’une certaine vivacité où la ville serait moins morte.

Après deux éditions, y a-t-il des indicateurs de réussite quant aux aspirations de départ ?

Il y a des indicateurs. Le nombre de touristes qui cherchent à venir à Porto- Novo devient de plus en plus important. A la première édition, le festival avait une portée locale, nationale. Mais à la deuxième édition, le nombre de touristes s’est accru. Il y a des français, et américains et autres qui sont venus. Pour cette année, plusieurs autres villes se sont annoncées avec des universités et écoles étrangères qui veulent donner une portée scientifique au festival. Ceci avec près de 40 communications scientifiques au programme. Or à l’édition précédente, il n’en avait eu que 25. L’intérêt pour le festival devient donc de plus en plus important

L’édition 2019 pointe à l’horizon et avec sans doute une diversité d’activités culturelles au programme. En tant que Président du comité d’organisation, que pouvez-vous nous dire du contenu de la 3e édition du FIP

Pour cette troisième édition, nous avons de grandes activités phares. La cérémonie d’ouverture qui aura lieu le samedi 05 janvier à partir de 18h30 mettant en scène dans une pièce, près de 800 à 1000 comédiens. Après la cérémonie d’ouverture, nous avons la fête de l’épiphanie qui aura lieu le lendemain. Cette fête est identitaire, une fête des Portonoviens qui connait beaucoup d’engouement avec l’implication de toutes les religions. Nous avons également le 10 janvier qui sera inclus dans le festival. Il y a bien sûr les activités scientifiques. Enfin, nous avons la cérémonie de clôture qui se fera avec le carnaval des divinités masqués. Il y aura près de 1200 représentations vodoun qui vont défiler

« Les systèmes de divination : enjeux et perspectives ». Qu’est-ce qui fonde le choix de cette thématique pour cette édition ?

Le Festival International de Porto-Novo s’appuie sur deux pieds : endogène et exogène, la religion vodun et les religions extérieures ou révélées. A la première édition, le but était de présenter l’histoire de Porto-Novo à travers le thème : Porto-Novo, ville cosmopolite : les liens qui unissent ses habitants. L’année suivante, nous avons parlé du vodoun. Cette année on a choisi les arts divinatoires parce qu’il n’y a pas de vodun sans la divination. Les africains croient en ces divinités qui permettent de prédire l’avenir, savoir qui peut arriver et avoir un bon savoir-vivre dans la société, exemple du Fa. C’est ce qui a inspiré nos universitaires à choisir ce thème parce que ceci a un lien avec les pratiques du vodoun, richesse culturelle de l’Afrique. Aussi, parler des enjeux, c’est connaitre ce que ces systèmes divinatoires peuvent apporter au monde aujourd’hui comme moyens de résolution des problèmes de catastrophes naturels, les conflits, etc. Du fait qu’il y aura plusieurs pays participants, chacun viendra présenter son système divinatoire afin de montrer ce que ces systèmes ont de commun et ce qu’ils peuvent apporter au développement durable.

Vous avez parlé de développement durable, c’est donc dans cet esprit que s’inscrit ce festival. Comment imaginez-vous le FIP dans 7 ans ? Même quand vous ne serez plus à la tête de la mairie ?

Nous avons commencé par prendre des précautions. Ce festival, nous le voulons dans la pérennité. Nous avons donc commencé par prendre des précautions. Ce que nous avons trouvé bon aujourd’hui, c’est de créer une agence qui peut prendre en charge la gestion du festival afin que la mairie s’en détache directement pour le laisser aux mains des professionnels. La mairie peut être membre du conseil d’administration ou du comité d’organisation mais n’aura pas directement à l’organiser. Voilà ce que nous prévoyons pour la durabilité du festival à travers une structure légale, juridiquement assise pour la relève.

Quelle est l’implication de l’Etat dans l’organisation du festival ?

Le FIP est le festival de la capitale donc le festival du Bénin, pour paraphraser le ministre du tourisme, de la culture et des sports d’après son allocution à l’ouverture de l’édition passée. Le gouvernement devrait donc donner un appui au festival. Sauf que depuis un moment, et de plus en plus, l’Etat ne sponsorise plus ces genres de festivals, vu qu’il y en a beaucoup aussi et qu’il ne faudra pas financer un et laisser d’autres. Alors les initiatives comme le festival international de Porto-Novo sont appelées à s’autofinancer, à s’autogérer.

Que diriez-vous pour conclure ?

Faire un appel aux fils, filles et amis sympathisants de la ville de Porto-Novo à venir nous aider. Comme je l’ai dit tantôt, le gouvernement ne sponsorise plus ce genre de festivals mais voilà que le Fip est devenu un vecteur de communication et un outil de développement. Alors j’en appelle à leur accompagnement afin que ce festival puisse vivre le plus longtemps possible de même que Porto-Novo, par ricochet, avec tout ce qu’il a comme patrimoine matériels et immatériels. C’est ce que nous voulons vendre pour la visibilité de la ville et aussi pour son développement socio-économique.

Réalisé par Gwladys ODIN & Eric AZANNEY

Journaliste critique, Ingénieur culturel. Fondateur du Groupe AWALE AFRIKI

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *